| "Rien n'est permanent, sauf le changement. Seul le changement est éternel" (1). Ainsi nous interpelle Héraclite d'Éphèse philosophe grec, depuis le VI ème s. av. J.-C. Il n'est pas évident de connaître vraiment ce penseur hermétique. Ses contemporains l'appelaient "l'Obscur" et l'histoire le représente comme une sorte de polémiste jamais avare d'invectives, qui vit dans le pathos d'une possession exclusive de la vérité..." (2).  Parler d'Héraclite passe forcément par les récits mythologiques qui abordent les grandes questions des hommes quant à leurs origines, leurs raisons d'être, leurs destins ainsi que les phénomènes énigmatiques qui se présentent à eux. C'est ainsi que "Les rives de Troie" par Matthieu Epp, "Pour une couronne d'olivier" en 5 épisodes, par Robin Recours et, dans le registre de la mythologie celtique irlandaise, "L'Epopée de Fionn Mac CumhaÃll" par Caroline Sire et Gilles Le Bigot, intègrent la programmation 2022. Dans une interprétation à peine élargie "Le septième jour" d'Alberto Garcia Sanchez trouve également ici sa juste place.  Mais choisir Héraclite comme porte-parole pour cette édition des Nouvelles du conte, cela va bien au-delà de la mythologie parce qu'Héraclite prend rapidement ses distances avec celle-ci en affirmant que ce ne sont ni les récits héroïques, ni les allégories poétiques qui ordonnent la pensée du monde : "Ce monde-ci, le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l'a créé ; mais il a toujours été et il est, et il sera - un feu - toujours vivant..." (3) Son univers devient alors celui de la lutte des opposés et de la contradiction : "Polémos est le père de tout, le roi de tout, de quelques-uns, il a fait des dieux, de quelques-uns des hommes, les uns il les a faits esclaves, les autres, libres" (4). Héraclite n'en est pas pour autant un belliciste qui ferait l'éloge de la guerre. Pour lui Polémos représente aussi l'idée de conflit, de querelle, de discorde. Sa conception prend plutôt sa source dans les gymnases et les palestres, dans les joutes athlétiques et artistiques. (4)  Les contraires peuvent alors se rejoindre, voire, s'identifier. Le "déracinement" qu'aborde Virginie Komaniecki dans "Rouge Mémère" et les "racines maudites" dans "Délirium" par Jean-Marc Massie, sont-ils des concepts opposés ?   "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve" (4). Même les idées reçues devraient s'inscrire dans "l'impermanence des choses (6) mais nous savons que trop souvent elles perdurent et semblent narguer Héraclite lui-même. C'est alors Mélancolie Motte qui s'attèle au remplissage du tonneau des Danaïdes ou le portage du rocher de Sisyphe : combattre les idées reçues.  Par leur beauté, leur dimension énigmatique, leur densité, les Fragments d'Héraclite n'ont pas fini de susciter des interprétations multiples. Nous participons humblement à cette démarche fascinante et proposons comme dernier fragment : "L'homme est son propre moteur, partie prenante du monde en devenir" (7). Et Le petit prince dans tout ça ?  Joël Miachon Président des Nouvelles du conte    |  | Â
  (1) TOUT CHANGE - Luc de Brabandere et Stanislas Deprez - La Libre Belgique 12 septembre 2007 (2) LES PRÉSOCRATIQUES DANS LA RECHERCHE DES ANNÉES 1920 - Glenn W. Most - PUF 2010/2 n° 93 - pages 235 à 253 (3) LES MYTHES DU CHRISTIANISME - Des héritages juif et grec aux valeurs fondatrices de l'occident - André Gaillard - Publibook Paris 2005 - page 40 (4) LA SOURCE GRECQUE - Simone Weil, Gallimard Paris 1953. (5) HÉRACLITE FRAGMENTS - Marcel Conche - PUF 1986 - p. 438 (6) CE QU'IMMIGRER VEUT DIRE / IDÉES REÇUES SUR L'IMMIGRATION - Aascher Smaïn - Le Cavalier Bleu - collection "Idées reçues" - Paris 2012 (7) EPHÈSE, L'EXIL D'HÉRACLITE, UNE APPROCHE GÉO-POÉTIQUE - Jean Esponde - Atelier de l'agneau - Bordeaux 2013 |